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Photo du rédacteurSakina Traoré

[Viens ce soir]

« Viens ce soir ».

Trois mots. Trois petits mots qui m’arrachent un sourire. 11 lettres qui me font frémir d’impatience et qui déclenchent en moi une avalanche de sensations.

« Viens ce soir ».

Je viens à peine de me jeter de fatigue dans mon grand lit froid quand ce message s’affiche sur mon téléphone. Pas besoin de faire attention au nom du destinataire pour savoir qui l’envoie ; il n’y a que lui qui me parle de cette façon.

Souriante, je laisse mon téléphone sur le matelas sans répondre et me redresse pour commencer à me déshabiller. Mes vêtements se succèdent au sol dans des bruissements légers. Puis je défais le lourd foulard de coton qui enserre mes cheveux depuis le matin avant d’entrer dans la salle de bains.

C’est mon moment préféré de la journée. Celui où tout en me démaquillant et en prenant ma douche, je fais le bilan de tout ce qui s’est passé depuis le réveil ; je coche mentalement chaque tâche de ma to-do list et je profite du silence après avoir bavardé, réprimandé, encouragé et négocié durant des heures.

A 32 ans et Responsable d’une équipe de 3 chefs de plaidoyer dans une ONG internationale, je suis ce que la société qualifie de femme forte et indépendante. Mais pas toujours dans le bon sens du terme.

Les gens, les hommes surtout, vous diront que je suis une peste qui aurait aimé avoir des couilles parce que je refuse qu’ils me traitent de façon paternaliste et condescendante. Ou juste comme une paire de fesses juchée sur des talons.

Les femmes, elles, diront que j’ai oublié les valeurs traditionnelles et culturelles de la bonne femme africaine que ma mère m’a inculquées. Tout simplement parce que je refuse l’autorité masculine dans mes amitiés et dans ma vie professionnelle ; et parce que je ne mets que des « perruques et des tenues de blanche ».

Très honnêtement, je me fous de ce que les gens pensent de moi. Je suis excellente à mon boulot, je suis à l’écoute, ferme mais compréhensive, exigeante mais flexible.

Ceux qui me critiquent si durement sont ceux qui me connaissent le moins. Et quand je vois l’effet que David me fait, jamais je ne me laisserais convaincre que la société a raison de me dépeindre comme une femme froide, sans douceur et sans chaleur.

Je suis douce avec ma famille, avec mes neveux et mes nièces, mes cousins et cousines. Je suis disponible et avenante avec mes amis, tant qu’ils, les hommes parmi eux, savent respecter mes limites et mon intellect.

Je suis vulnérable. Vulnérable et l’incarnation même de la chaleur humaine avec mon amant. Cet homme qui a su en un regard voir au-delà de mon apparence stricte, le feu qui se consumait en moi.

« Viens ce soir ».

Que diraient ces juges autoproclamés de la société s’ils apprenaient que je passe aussi de longues minutes à relire les messages touchants d’un homme.

Que je lui écris des mots d’amour venus du fond de mon cœur.

Que je le laisse prendre le lead quand je franchis la porte de son appartement.

Que je m’empresse de le rejoindre quand il me lance juste trois mots via un texto.

« Viens ce soir ».

Debout devant mon miroir en pied, je mets la touche finale à mon maquillage. J’ai enfilé une longue robe en tissu marron et rose pour le rejoindre aujourd’hui. Mon maquillage est léger et j’ai chaussé des mules confortables.

Dans mon baise-en-ville, j’ai fourré des affaires pour la nuit et le livre que je lis en ce moment. Ma trousse de toilettes, mon chargeur et mon ordinateur embarqués, je sors de la maison, excitée comme une adolescente qui va rejoindre son premier amour.

A cet instant, je ne suis plus Anna Goli, la femme forte et détachée qui porte la culotte au bureau et affronte le monde comme une amazone. Je suis Nana, comme il aime bien m’appeler, la femme vulnérable et amoureuse qui est heureuse de laisser son homme diriger le couple.

C’est épuisant, d’être celle que je suis au quotidien. Satisfaisant oui, mais définitivement épuisant physiquement et émotionnellement. Alors pour rien au monde, je ne voudrais lutter avec mon partenaire pour le leadership de notre couple.

Il m’écoute, m’entend, apprécie mon point de vue sur tous les sujets, et prend les décisions en ayant à cœur de faire au mieux pour tous les deux. Que pourrais-je demander de mieux ?

Comment ne succomberais-je pas à un « Viens ce soir » de la part d’un homme qui aime me voir diriger et exceller dans ma vie professionnelle ?

Comment aurais-je du mal à laisser un homme aussi responsable et respectueux de mon individualité, diriger notre vie ?

Comment pourrais-je résister à cet homme que je peux contredire sans peur de blesser son égo ?

Cet homme qui me veut toute entière et qui ne cherche pas à me rabaisser pour se sentir plus homme ?

Cet homme qui me dit : « Viens ce soir » parce qu’il a annulé tous ses rendez-vous pour s’occuper de moi quand je lui ai dit que j’avais le blues.

« Viens ce soir ».

Trois mots simples, aguicheurs… qui sonnent aussi doux à mes oreilles que quand il me dit ces trois autres mots ; ceux qui témoignent de ses sentiments pour moi. Ceux qui prouvent qu’il m’accepte avec mes qualités et mes défauts. Ceux qui montrent qu’il m’a ouvert son cœur tout entier.

Ou quand il me dit ces 3 autres mots encore. Ceux qu’il prononce pour que je sache à quel point il me veut en tout temps. Ceux qu’il murmure pour me faire comprendre qu’il a pensé à moi presqu’à chaque instant…

« Viens ce soir ».

Oui je succombe à ces 3 petits mots le cœur léger. J’y succombe avec joie. Et ça me fait doucement rire d’imaginer la tête des gens qui me jugent à mon ambition, à ma force de caractère et à mon esprit rebelle… s’ils apprenaient un jour à quel point mon cœur bat la chamade pour un homme. Avec quelle facilité il se laisse faire à son contact. A quel point je suis soumise à son toucher et à son amour…


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