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  • Photo du rédacteurSakina Traoré

V. Post toi

Dernière mise à jour : 1 janv. 2022

  • Je vois que tu sais ce que c’est


Je hoche la tête pour confirmer mais je n’arrive pas à dire un seul mot. Une dépression post partum ?


  • J’ai été sujette à des épisodes dépressifs et des crises d’anxiété dès le début de mon adolescence. A l’époque, la moitié des gens n’avaient aucune idée de ce que ces affections mentales étaient et l’autre moitié les considéraient simplement comme des maladies de blanc, des maladies de faible.


  • Ne dis pas à l’époque, c’est encore le cas, je réponds avec amertume


  • C’est vraiment dommage… enfin bon, à force d’être exposée à cette façon de voir les choses, j’ai moi-même cru à un moment donné que j’étais folle ou possédée… c’est dire.


Quand je suis tombée enceinte, j’ai cru que ma grande tristesse était seulement due à ma situation. J’étais seule contre tous avec un enfant à venir ; j’avais le droit de me sentir mal.


Et puis tu es née et ça a empiré. Quand Roland allait au boulot, je pleurais parfois des heures en te regardant. Encore que ça, je pouvais le gérer. Mais les mois passaient et les larmes se sont transformés en cris de colère.


Roland a essayé de m’aider, il m’a entourée de tout le soutien dont il pouvait mais même lui ne comprenait pas ce qui se passait.


Un soir qu’il était allé passer la soirée avec des amis, tu as commencé à faire de la fièvre. Tu as pleuré pendant si longtemps que j’ai pensé… pendant un tout petit, un bref moment… à t’étouffer avec un coussin pour que tu arrêtes enfin.


  • Maman…


  • Je suis désolée, elle me dit dans un sanglot qui fend quelque chose en moi.


J’ai beau vouloir nier que quelque chose me lie malgré tout à cette femme, le simple fait que je l’appelle maman en dépit de toute ma colère me trahit.


J’ai envie de la prendre dans mes bras, parce que je sais ce que c’est… ou du moins je la comprends tellement qu’une partie de mes ressentiments fond à l’instant, comme neige au soleil.


Mais si cette partie de l’histoire met en lumière des circonstances atténuantes pour son forfait, je ne peux tout simplement pas arrêter de me demander pourquoi elle est restée loin de moi si longtemps.


Alors je me contente de lui tendre un mouchoir et d’attendre la suite. Quand elle s’est un peu calmée, elle reprend :


  • A partir de ce moment là, j’ai eu très peur d’en arriver à un point où je mettrais cette pensée à exécution. Je crois que c’est là que j’ai vraiment prié pour la première fois de ma vie et chaque jour que Dieu faisait. Je n’avais de cesse de lui demander de te protéger de moi…

Et en réponse, il m’a envoyé ton père.


  • Papa ?


Elle hoche la tête et me dit, avec un sourire désabusé :


  • Environ deux semaines après je crois, ton père est revenu à Yamoussoukro et a débarqué chez Roland. Apparemment, son meilleur ami avait parlé de l’histoire à son frère aîné qui avait réussi à le convaincre.


Il est venu les bras chargés ce jour-là pour se faire pardonner. Je me souviens,

c’était un dimanche après-midi, l’endroit était calme et tu dormais. Moi j’étais assise

aussi loin que possible de toi, à regarder l’horizon et à me demander comment

j’allais faire pour m’en sortir. Tu avais juste 7 mois, elle continue, ses larmes coulant

toujours sur ses joues.


  • Maman… je ne comprends pas... si papa est revenu, pourquoi tu es partie ? Je peux comprendre que tu n’aies plus voulu de lui mais moi ?


  • Je suis partie pour te protéger Magui ! Pendant un moment, j’ai aussi cru que son retour arrangerait les choses.


Ton père… il est littéralement tombé sous ton charme dès le premier instant. Dès

qu’il t’a prise dans ses bras, j’ai su que son moment de lâcheté était passé et qu’il

saurait s’occuper de toi si moi je ne le pouvais pas.


J’ai quand même essayé pendant deux mois. Mais je n’ai juste pas pu… je n’ai pas pu lui pardonner et je n’ai pas pu faire taire cette voix dans ma tête qui me faisait tout voir en noir.


Alors je me suis dit qu’il valait mieux que tu aies une mère absente et un père aimant plutôt que de grandir avec une maman qui avait pensé à t’ôter la vie et qui n’arrivait pas à faire taire ses démons pour… t’aimer.


J’ai eu de mauvais parents, Maguissi. Mais quelque part, je crois juste qu’ils ne savaient pas aimer. Et j’en ai vu les retombées dans ma vie alors je n’osais imaginer ce que tu serais devenue en grandissant avec une mère comme moi.


  • Alors tu es partie…

  • Alors, je suis partie…

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