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  • Photo du rédacteurSakina Traoré

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*** Dans la tête d’Heartie ***


La vie est compliquée. Et je suis un peu beaucoup trop fatiguée de la supporter en ce moment. Le bébé, la tumeur, le boulot, tante Christine… ça fait trop de choses à gérer pour moi. Heureusement que Ty est là. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui.


Depuis que je lui ai dit pour la grossesse, il est aux petits soins avec moi. Petit-déjeuner gargantuesque chaque matin, séance câlins au réveil… à chaque fois qu’il le peut, il me dépose au boulot et vient me chercher. Chaque soir j'ai droit à un bon bain chaud et un massage des pieds. Sans le savoir, il fait plus que chouchouter sa copine enceinte, il atténue aussi le poids de sa maladie.


Trois mois sont passés depuis le jour où ces deux nouvelles aussi ahurissantes l’une que l’autre me sont tombées dessus, changeant du tout au tout, mes plans pour l’avenir. C’est vrai que vu mes antécédents médicaux, j’ai toujours su qu’il y avait de grands risques que j’ai un cancer ou une maladie de ce genre un jour mais c’est plus difficile à accepter aujourd’hui.


Parce que j’ai trouvé un boulot que j’aime, que la vie m’a donné un frère et une sœur et un homme parfait avec ses imperfections dont je suis éperdument amoureuse. Mais au-delà de tout cela, j’ai un petit être qui grandit en moi et pour lequel mon cœur déborde d’amour.


Je réfléchis toujours et encore à quand annoncer la nouvelle à Ty et à comment lui dire. Même si pour le moment, je choisis de me taire, je sais qu’il faudra bien que je le lui dise un jour, à lui et aux autres. Mais pas maintenant. Peut-être quand j’aurai accouché.


Aujourd’hui, j’ai une échographie à faire avec Dakota. Je suis avec elle dans la salle de consultation en train de parler bébé en attendant monsieur Bradford.


A elle, j’ai dû dire que j’étais malade afin qu’elle ait toutes les informations nécessaires pour suivre correctement ma grossesse. Alors nous discutons de ce qu’elle ne peut me dire devant Ty avant qu’il n’arrive. Si tout se passe bien, on pourra connaître le sexe du bébé alors je suis pressée que la consultation commence.


Il arrive pile à l’heure que je lui ai donnée ce matin avant de partir pour le boulot.


Lui : Salut Dakota !


Dakota : Salut Ty


Lui : (En m’embrassant) Hey babe


Moi : Coucou chéri, ça va ?


Lui : Super fatigué mais ça va. (Touchant mon ventre de cinq mois) Et vous ?


Moi : (En souriant) On va bien. J’ai hâte de savoir !


Lui : Moi aussi !


Dakota : Alors, vous êtes prêts ?


Nous : Prêts


Je prends la main de Ty et lui demande comment s’est passée sa journée pendant que Dakota met tout en place. Quand elle finit, elle étale le gel sur mon ventre et je tressaille tellement c’est froid.


Au bout de quelques minutes de silence, nous entendons les battements de cœur du bébé puis l’image à l’écran se fait plus nette et je souris et pleure en même temps en déchiffrant ce qui s’y affiche.


Dakota et moi : C’est une fille !


Ty éclate de rire avant de m’embrasser et d’embrasser mon ventre. Dakota nous donne deux photos de notre bébé puis elle m'abreuve de ses nombreux conseils à suivre et on prend rendez-vous pour la prochaine échographie.


On rentre assez vite à la maison et je décide de m’occuper un peu de mon Ty ce soir. Il prend vraiment grand soin de moi ces temps-ci et je ne fais pratiquement plus rien dans la maison mais aujourd’hui je suis en pleine forme malgré tout ce qu’on sait.


Quand on entre dans notre chambre à coucher, je file dans la douche lui faire couler un bain chaud avant de mettre ses vêtements dans le panier à linge et de me diriger vers la cuisine pour préparer notre dîner.


Après inspection du frigo, je décide de faire du riz au poulet et un fondant au chocolat en dessert. Une heure plus tard, alors que je mets la table, je sens Ty m’enlacer par derrière et m’embrasser le cou. J’adore quand il fait ça. Je me laisse aller contre son torse et nous restons ainsi un moment avant qu’il ne pose un baiser sur ma joue.


Moi : Assieds-toi, je te sers


On passe un long moment dans la salle à manger à parler du bébé, de projets, de boulot… et je me sens soudain mal à l’idée que tout cela sera fini dans 18 mois environ… 18 mois… c’est le temps qu’il me reste à vivre selon le cancérologue que j’ai vu. Bien sûr, j’aurais eu plus de temps sans la grossesse mais bon… je sais que j’ai pris la bonne décision. En dix-huit mois, je peux encore vivre de magnifiques choses.


Quand nous finissons, Ty s’occupe de mettre la vaisselle sale dans la machine pendant que je m’éclipse dans la salle de bains pour vider ma vessie et me rincer.


Je reviens le trouver au salon, installé devant le journal télévisé. Je m’assieds près de lui et le regarde un moment avant qu’il ne tourne la tête vers moi. Il me sourit en demandant :


Lui : Quoi ?


Moi : Tu as l’air super fatigué


Lui : Je le suis


Moi : Tu ne veux pas que je te masse ?


Lui : Ne te fatigue pas pour moi chérie


Moi : Non mais je vais bien aujourd’hui Ty. Je peux le faire… Laisse-moi le faire


Lui : Sûre ?


Moi : Certaine. Suis-moi


Je me lève du canapé, lui prends la main et l’entraîne dans la chambre. Je le fais asseoir sur le lit et lui demande de s’allonger sur le ventre pendant que je vais chercher ce qu’il faut.

Je prends quatre bougies parfumées et les huiles essentielles dans la salle de bains avant de revenir installer le tout dans la pièce. Une fois les bougies allumées, je troque mes vêtements contre une robe de nuit et m’installe à califourchon sur son dos.


J’étale un peu d’huile dans ma paume, la réchauffe un moment avant de commencer à le masser. Je prends tout mon temps pour le faire et le sens peu à peu se décrisper et se détendre sous mes doigts. Ça me fait tout autant de bien de prendre soin de lui.


Je ne sais ni comment, ni à quel moment, la séance massage s’est transformée en scène interdite au moins de 18 ans mais ce n’est pas moi qui m’en plaindrais.



************


Une semaine plus tard.


Je suis dans le lit depuis ce matin. J’ai mal à la tête et j’ai tellement le vertige que même en étant couchée j’ai l’impression que je vais tomber. Ty est au boulot, heureusement pour moi. Il aurait insisté jusqu’à ce que j’accepte de me rendre à l’hôpital avec lui.


Lui qui voulait m’inviter à dîner ce soir, c’est foutu. Je sais que j’irai mieux quand il sera rentré mais je n’aurai pas la force de me préparer et de sortir.


A midi, alors que les médicaments commencent peu à peu à faire effet sur mon crâne, il m’appelle pour voir comment je vais et décide qu’il nous prendra quelque chose à dîner en rentrant ce soir.


Je réussis à me lever du lit deux heures après son coup de fil. Je fais l’effort de ranger un peu, puis je prends une douche et engloutis des céréales avant de retourner me coucher dans la chambre et de m’endormir presqu’aussitôt.


Quand je me réveille plusieurs heures plus tard à en croire les étoiles dans le ciel, je sursaute littéralement en voyant Ty, assis sur une chaise en face du lit dans le noir.


Moi : Bébé ?


Il tourne la tête vers moi et je remarque son air préoccupé. Sa veste gît sur le sol près de lui, il a desserré sa cravate et remonté les manches de sa chemise. Il a un bout de papier en main qu’il n’arrête pas de triturer. Il a l’air tellement désabusé. Qu’est-ce qui se passe ?


Moi : Qu’est-ce que tu as ?


Ty : Heart…


Je me lève et m’approche de lui mais il me repousse alors que je veux poser la main sur sa joue.


Ty : Depuis quand est-ce que tu le sais ?


Moi (en fronçant les sourcils) : Depuis quand est-ce que je sais quoi bébé ?


Il me tend la feuille qu’il a en main et se lève de sa chaise. Il se met à faire les cent pas dans la chambre tandis que je lis la lettre qu’il m’a remise.


Eh merde ! C’est une lettre du cancérologue que j’ai vu. Je lui avais bien dit que je ne voulais pas suivre de thérapie pour la tumeur mais il avait insisté pour quand même me faire faire des analyses plus poussées.


Moi : Babe


Ty : Depuis quand Heart ?


Moi : Quatre mois. Je l’ai su en même temps que pour le bébé.


Ty : Et alors quoi ?! Je n’avais pas le droit de savoir ?


Moi : Ce n’est pas ça Ty…


Ty : Qu’est-ce que c’est alors ? Explique-moi ! Pourquoi est-ce que tu m’as caché ça ?


Moi : Je ne voulais pas que tu essaies de me convaincre d’essayer un quelconque traitement parce que ça aurait signifié qu’on n’aurait pas eu notre bébé.


Ty : Alors quoi ? Tu n’as pas pensé que j’avais mon mot à dire ??


Moi : Ty, je t’en prie


Ty : Non ! Non, Heart !


Moi : Ty, je suis désolée. Pardon bébé


Ty : Tu n’avais pas le droit de choisir pour nous Heartie ! Pour moi !


Moi : Je sais


Ty : …


Moi : …


Ty : Qu’est-ce que ça implique ?


Moi : Quoi ?


Ty : Qu’on garde le bébé… quel impact ça aura sur ta maladie ?


Moi : Je…


Ty : Je t’écoute Heartie


Moi : Je… j’aurai moins de temps


Ty : Combien de temps on aurait eu sans ?


Moi : Environ trois ans


Ty : Et combien on en a maintenant ?


Moi :…


Ty : Heartie ! Combien de temps il nous reste ?


Moi : Il… 17 mois


Ty (en renversant la commode) : Bon sang !


Moi (en pleurant) : Je t’en prie Ty !


Ty : Non ! Non !


Il sort de la pièce comme une furie et claque la porte derrière lui sans me répondre. Je reste dans le salon où je l’avais suivi à fixer la porte un long moment puis je m’installe dans le canapé avant de fondre en larmes.


Je reste là le regard perdu pendant un long moment. Je me sens triste, je m’en veux énormément. En plus, l’inquiétude me ronge depuis son départ, je ne veux pas qu’il fasse une bêtise sous l’effet de la colère et pour ne rien arranger, j’ai de nouveau des céphalées. J’ai tellement mal à la tête que je pleure deux fois plus. Et sans m’en rendre compte, je m’endors là, morte de fatigue.



*****


Je me réveille quelques heures plus tard quand Ty rentr. Il est presque minuit à l’horloge murale. Je me redresse et essuie les traces de larmes sur mon visage avant de me tourner vers lui. Je m’attends à ce qu’il me snobe mais il vient s’asseoir près de moi.


Moi : Je suis désolée


Il ne dit rien pendant un moment et je m’apprête à me lever quand je sens sa main sur la mienne. Il m’attire à lui et me serre dans ses bras.


Lui : J’ai tellement peur


Moi : Je sais. Moi aussi


Lui : …


Moi (en pleurant) : Et j’ai tellement mal… ces vertiges… ces céphalées atroces… ça fait tellement mal


Lui : Je suis désolé ma puce


Je pleure un long moment dans ses bras. Et quand je me calme enfin, il me redresse et essuie les larmes qui ont inondé mon visage.


Ty : Je t’aime


Moi : Moi aussi


Ty : Je voulais t’emmener dîner ce soir


Moi : … Tu étais où ?


Ty : J’ai roulé longtemps… avant de m’arrêter dans un bar… j’ai bu deux ou trois verres


Moi : Ok


Ty : Et je suis allé t’acheter quelque chose avec un ami


Moi : Quoi ?


Il a plongé la main dans sa poche et en a sorti un écrin bleu nuit.


Moi : Ty…


Ty : Heartie


Moi : …


Ty : Ce que j’ai découvert ce soir m’a littéralement envoyé au tapis. Je t’en veux de ne m’avoir rien dit, d’avoir supporté ces douleurs toute seule dans ton coin, d’avoir fait le choix pour nous. Mais je t’aime… et j’ai tellement peur de te perdre que je suis prêt à en oublier ma colère. Tu portes mon enfant. Envers et contre tout. Et tu vas bientôt t’en aller après avoir été un tel rayon de soleil dans ma vie. Je ne peux peut-être rien y faire mais j’ai encore le temps de faire de toi ma femme avant que le bon Dieu ne te reprenne à moi. Je t’aime Heartie Williams. Alors… est-ce que tu veux m’épouser ?


Moi : …


Ty : Bébé…


Moi : Oui… oui bien sûr que je le veux !


La vie est compliquée… mais il y a toujours des éclaircis… Et je vais me marier !

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