-Assia
-Maman
-Tu es sûre de ton choix ?
Assia était assise en face de sa mère, la tête baissée, la main droite posée dans celle de l’homme pour lequel elle traversait toutes les tempêtes depuis des mois. Il pressa doucement la main de la jeune fille dans la sienne, comme pour lui dire de ne pas flancher, de ne pas le laisser tomber.
Elle leva la tête et au lieu de voir la colère sur le visage de sa mère comme cela avait été le cas ces derniers mois, elle vit de l’inquiétude. Un sentiment qui lui avait coûté des heures de sommeil, à en juger par les grosses poches sous ses yeux et la façon dont ses mains tremblaient.
Assia poussa un long soupir et regarda sa mère dans les yeux avant de poser les yeux sur Franck. Il lui sourit mais son sourire lui sembla étrangement méconnu. Elle ne retrouvait pas les étincelles qu’il avait tout le temps dans les yeux, son sourire n’illuminait pas son visage et elle ne voyait pas la petite brèche qui l’avait fait rire aux éclats quand elle l’avait vue pour la première fois.
Lui aussi, était fatigué. Fatigué des allées et venues, fatigué des questions sur leur relation, fatigué qu’on doute d’eux. Fatigué qu’on les empêche d’avoir enfin ce qu’ils avaient planifié pendant des mois. Il était fatigué. Mais toujours à ses côtés.
Elle lui rendit son sourire et se tourna une fois de plus vers sa mère. Elle retira sa main de celle de Franck et entoura les mains de sa maman des siennes.
-Maman, je suis sûre. Je te promets que ça va marcher. Franck est fait pour moi
Une larme coula lentement sur la joue de la vieille dame. Si lentement qu’on aurait dit que le liquide aussi était fatigué. Fatigué de couler.
Assia regarda sa mère essuyer la larme d’un geste rapide puis lui caresser les cheveux, exactement comme il y a 8 ans, quand elle avait perdu son père et qu’elle avait bataillé avec sa mère pour aller continuer ses études aux Etats-Unis. Un geste, qui démontrait toute sa douleur et son appréhension.
Franck fut surpris quand maman Assata tourna la tête et posa les yeux sur lui, de façon déterminée, de façon volontaire. C’était peut-être absurde de le dire mais il ne pensait pas qu’elle le referait un jour. Qu’elle voudrait un jour le regarder, le sonder, lire ses intentions dans ses yeux.
En effet, depuis qu’elle avait su que le jeune homme qu’elle appréciait et qui voulait épouser sa fille était chrétien, elle avait refusé de le regarder. Parfois, ses yeux le survolaient, comme s’il n’était qu’un meuble, refusant de voir sa peine et l’amour qu’il portait à sa fille.
Franck sentit quelque chose de bizarre envahir sa poitrine et faire battre son cœur un peu plus fort. Ses mains devinrent moites et son corps se mit à se réchauffer. Si elle le regardait, qu’elle semblait chercher ses mots pour lui parler, c’était peut-être qu’il y avait encore de l’espoir. Non ?
-Mon fils
Elle l’avait dit doucement, presque comme si elle hésitait, mais elle l’avait dit. Et Franck, sans s’en rendre compte glissa au bord du sofa, un sourire, un vrai cette fois-ci, étirant ses lèvres. Il osa se demander, pour la première fois depuis longtemps, si toute cette histoire aurait une fin heureuse.
-Maman
Sa voix tremblait. De peur, d’appréhension, d’excitation. Elle contenait ses sentiments refoulés, ceux, trop forts qui envahissaient son esprit et faisaient trembler sa jambe droite…
-Tu sais que je ne te déteste pas
-Je sais maman
-Tu sais que je veux seulement le meilleur pour ma fille … et même pour toi
-Je… je sais maman
Il baissa la tête et regarda ses chaussures, trop touché par ses mots pour pouvoir continuer à la regarder dans les yeux. Il savait qu’elle était juste une mère qui s’inquiétait pour sa fille, que c’était tout à fait normal mais Dieu, ce que cela faisait mal d’entendre la mère de la femme qu’on aime dire qu’elle ne pense pas qu’on soit la meilleure personne pour sa fille !
-Je ne veux pas que cette histoire finisse par nous séparer Assia.
Sa voix tremblait un peu maintenant. Comme si ce qu’elle s’apprêtait à dire lui coûtait toute l’énergie qui lui restait encore. Comme si elle avait renoncé à quelque chose de vital pour préserver sa relation avec sa fille.
-Je ne veux pas que tu épouses quelqu’un d’une autre confession religieuse. Mais tu es une grande fille. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour te faire entendre raison mais je ne peux pas te forcer. Ni te renier.
-Maman, je…
-Tais-toi et laisse-moi finir
Assia recula un peu sur le sofa, surprise par te ton de sa mère. Franck posa une main sur son genou, lui intimant doucement l’ordre de laisser maman Assata parler. C’était peut-être leur dernière chance, il ne fallait pas la gâcher avec de l’impatience.
-J’ai besoin d’être rassurée et ce ne sont pas vos regards énamourés ou vos déclarations enflammées qui vont me convaincre. L’amour, c’est important. Mais bien des fois, ça n’a pas été suffisant pour sauver des unions.
Tout en parlant, maman Assata sortit deux carnets noirs en cuir du sac à main qu’elle avait près d’elle. Ils étaient de taille moyenne et avaient environ 15 pages chacun. Elle leur tendit à chacun un carnet et leur demanda de ne pas les ouvrir.
-Je les ai fait faire moi-même et j’aimerais que vous parcouriez chacun le vôtre en répondant aux questions de façon honnête.
Vous avez trois jours pour le faire. Après ces trois jours, il vous faudra échanger les carnets et lire les réponses de l’autre. Je le répète encore, soyez honnêtes l’un envers l’autre. Si après ça, vous souhaitez toujours être ensemble, je ne dirai plus rien sur votre relation. Allah jugera du reste.
Assia et Franck sortirent de leurs contemplations respectives des carnets et se regardèrent. Un carnet ? Mais d’où sortait-elle ça ?
Les trois personnes dans la pièce étaient réunies par le même sujet, le même débat. Chacune avait ses attentes mais à en juger par l’atmosphère qui régnait, il était clair pour chacune d’entre elles que c’était leur seule et unique chance d’avoir un mariage avec l’assentiment de la mère de la mariée.
Assia pensait que c’était beaucoup trop facile. Franck et elle se connaissaient depuis 4 ans. Ils avaient été amis avant de décider d’aller plus loin, ils avaient parlé mille et une fois de la vie de couple qu’ils voulaient avoir. Cette épreuve serait du gâteau et ils allaient avoir leur mariage. Avec l’approbation de sa mère.
Franck regardait Assia sourire avec un air perplexe. Elle avait l’air confiant mais lui avait un peu peur. Pas parce qu’il ne croyait pas en eux mais à cause de la lueur dans le regard de maman Assata.
Elle avait l’air… triste. Comme si elle était persuadée qu’ils ne s’étaient pas posé les bonnes questions et que celles dans les carnets leur ouvriraient les yeux.
Maman Assata regardait les deux jeunes gens avec tristesse. Elle avait dû employer ses dernières ressources avec ce carnet. Bien entendu, elle voulait qu’ils entendent raison et renoncent à cette idée saugrenue de faire un mariage inter-religieux mais elle croyait aussi fermement, que s’ils réussissaient cette épreuve, ils auraient toutes les chances de rester mariés pour la vie.
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On se retrouve demain pour la suite de cette histoire. N'oubliez pas de partager si vous avez aimé !
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