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Photo du rédacteurSakina Traoré

Elle ne viendra pas

« Elle ne viendra pas », m’a chuchoté mon meilleur ami à l’oreille.


« Elle ne viendra pas », l’assemblée a entendu malgré tout, malgré ses mille et une précautions pour garder l’info secrète encore quelques minutes.


Le temps que je me remette à respirer. Le temps que mon cœur se remette à battre.


« Elle ne viendra pas », c’est ce que j’ai crié tout haut quand la tristesse a envahi mes veines. Quand le soleil a décliné à l’horizon et que j’ai compris ce qui m’arrivait.


« Elle ne viendra pas », c’est la phrase que je me répète en boucle depuis deux heures maintenant, assis seul dans le jardin de la mairie.


« Elle ne viendra pas… »


Tu ne viendras vraiment pas, Latifa ?


Une part de moi a encore du mal à y croire. Alors même que les invités sont rentrés chez eux, alors que le maire officie son dernier mariage de la journée, alors que ma mère s’en est allée les larmes aux yeux, blessée de me voir ainsi abandonné… rejeté.


Une larme coule lentement sur ma joue et vient s’échouer sur nos alliances, soigneusement disposées dans une petite boîte à bijoux devant moi.


Une larme lourde, amère, pleine de regrets, immédiatement suivie par milles autres qui se précipitent sur mon visage. Un peu comme si elles attendaient toutes le go pour se libérer et montrer au monde ma douleur.


Je crois que le pire dans tout ça, Latifa, c’est que je n’ai pas le courage de t’en vouloir. Je ne pense même pas en avoir le droit…


J’ai stupidement cru qu’une demande en mariage arrangerait les choses entre nous. Que te dire oui devant Dieu et devant les Hommes te ferait oublier mes nombreuses incartades et les blessures que j’ai infligées à ton cœur.


Je ne peux pas… je ne peux pas t’en vouloir.


Je ne peux pas t’en vouloir parce que je sais que tu as essayé. Que maintes fois tu m’as choisi mais qu’aujourd’hui, tu t’es choisie toi.


Comment pourrais-je t’en vouloir pour ça ?


Non vraiment, je ne pourrais pas. Et je crois même que je te dois de te pardonner. Comme toi tu l’as fait pour moi un nombre incalculable de fois.


Je me souviens encore de tous ces moments où, genoux à terre ou cadeaux en mains, je t’implorais de passer au-dessus de mes forfaits et de me redonner une énième chance.


Et alors, tu me souriais, tu me pardonnais.


Tu m’as pardonné quand j’en ai embrassée une autre.


Tu m’as pardonné quand je passais des nuits dehors sans donner signe de vie.


Tu m’as pardonné quand je prenais des décisions capitales sans t’en informer.


Tu m’as pardonné quand j’en ai séduit une autre.


Quand j’en ai aimé une autre.


Quand j’en ai emmené une autre au septième ciel…


Tu m’as pardonné et tu m’as choisi… encore et encore et encore.


Et je suppose que j’ai fini par m’y habituer. J’ai fini par croire que tu me pardonnerais toujours. Que tu me choisirais toujours.


Surtout si nous étions mariés.


Ce que je me trompais !


Moi qui ai toujours été attiré par ta force de caractère, j’aurais dû comprendre que tu prendrais la bonne décision pour toi. Que tu partirais. Que tu te choisirais.


N’empêche, je ne peux empêcher mes larmes de couler, Latifa.


Je ne peux empêcher mon cœur de se noyer alors que cette phrase glaciale tourne encore en boucle dans ma tête : « Elle ne viendra pas, elle ne viendra pas, elle ne viendra pas… ».

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