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  • Photo du rédacteurSakina Traoré

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***Dans la tête de Heartie***


La vie est… faite de rebondissements.


Lorsqu’une chose n’en est qu’à son début, on ne peut savoir ce qui se passera tout du long jusqu’à la fin. On ne peut qu’essayer d’imaginer, d’envisager certaines possibilités mais ce qui est sûr, c’est que la vie a un don pour surprendre, pour éberluer même ceux qui croient tout savoir.


Cela fait maintenant près d’un mois que je vis en colocation avec cet être irritable et irritant qui répond au nom de Ty Bradford. Après le jour de son arrivée, nous nous sommes à peine adressés la parole. Même s’il se montre beaucoup plus courtois depuis quelques temps, je ne me laisse pas avoir par son air devenu plus accommodant. La bouche de cet homme pique et je n’ai pas besoin d’être frustrée en ce moment.


Je me contente donc de vivre comme si j’étais seule dans cet appart à la seule exception que je ne me ballade plus en petite tenue dans la maison. Cette époque me manque tellement.


A part ça, c’est vrai que Ty ne m’embête plus mais parfois, je me demande bien à quoi ça sert de vivre avec quelqu’un si c’est pour me tenir à carreau et ne pas lui parler ou apprendre à le connaître.


Bref. Assez parlé de lui. Je suis fatiguée pour le moment, je dois rentrer chez moi après un peu plus de quarante-huit heures non-stop passées aux urgences.


Il y a trois jours, une alerte a été lancée dans tout l’Etat, concernant une tempête de pluie. Il a fallu que tous les hôpitaux et autres institutions prennent les dispositions nécessaires pour accueillir les éventuels blessés et rescapés. Le chef de la chirurgie de notre hôpital a demandé à tous les chirurgiens de rappliquer et de se préparer à passer les prochains jours à l’hôpital.


C’est ainsi que j’ai passé trois jours à m’occuper des victimes de ce phénomène naturel. Là, j’ai mal partout et j’aurais bien besoin d’un massage.


Je sors de l’hôpital avec mon gros sac sur le bras et retrouve ma voiture. Je m’installe derrière le volant et me dirige tout d’abord vers la boulangerie. Il faut que je prenne un petit déjeuner consistant. J’ai rêvé de croissants chauds ces dernières heures.


Je gare devant le petit local aux couleurs marron et beige et je descends. Je rentre dans la boulangerie et suis accueillie par une bonne odeur de pain chaud. Il n’est que 5h30 alors il y a très peu de clients et on me sert vite. Je me prends tout un assortiment de viennoiseries et puis je rentre chez moi.


Quand j’arrive cinq minutes plus tard, la maison est plongée dans la pénombre et c’est très silencieux. Je vois un verre d’eau sur le plan de travail de la cuisine et je devine que Ty est sorti faire son footing du matin. Il boit toujours un verre d’eau les matins qu’il oublie de ranger.


Je me débarrasse de mes viennoiseries dans la cuisine puis vais dans ma chambre. Je dépose mon sac au pied du lit, me déshabille et vais me laver.


Après une bonne douche froide qui me détend considérablement, j’enfile une culotte et un débardeur blanc, mets un peignoir par-dessus et mets mes vêtements dans la machine à laver. Je mets l’engin en marche et je vais dans la cuisine. Je fais du café, sors du réfrigérateur un pichet de jus d’orange, du lait, des tartines et du Nutella. Je prépare un petit-déjeuner de roi et dresse la table pour deux.


Quand le bruit de la machine à laver s’arrête, je vais récupérer les habits pour les mettre dans le sèche-linge. Je reviens sur mes pas et j’entends la porte d’entrée claquer. Je rentre à peine dans la cuisine quand je vois Ty y entrer en jogging, t-shirt et sweat gris. Il a des écouteurs enfoncés dans les oreilles et de là où je suis, j’entends la musique qu’il écoute.


Il relève la tête des papiers qu’il a en mains et enlève un de ses écouteurs quand il me voit.


Moi : Bonjour


Ty : Bonjour


Il me fait un sourire -enfin je pense que c’en est un- puis lève la main dans laquelle il tient les papiers qu’il regardait.


Ty : Le facteur est passé


Moi : Oh merci


Il me tend le paquet et je les regarde les enveloppes les unes après les autres pour découvrir que ce ne sont que des factures.


Moi (en souriant) : Rien que les factures du mois


Ty : Ok. Je vais me doucher


Moi (en me servant du café) : Okay


Il s’engouffre dans le couloir et moi je vais récupérer mes affaires dans le sèche-linge pour les déposer dans ma chambre. Je peux enfin petit déjeuner. Je repars à la cuisine, sors une tasse et me sers du café. Je m’assieds ensuite et commence à manger.


Je suis en train de regarder mes factures quand quinze minutes plus tard, Ty me rejoint au salon. Vous ai-je dit que cet homme était si simplement beau que j’avais le souffle coupé à chaque fois que je le regardais ?


Il passe près de moi et je fais mine de lire la facture sous mes yeux, sourcils froncés. Il va se servir un verre d’eau et s’adosse au comptoir pour le boire.


Ty : On n’a pas parlé de la façon dont on se répartirait les charges de la maison.

Je lève les yeux vers lui, surprise qu’il m’adresse de lui-même la parole pour me dire autre chose que bonjour.


Ty : Je sais que je vous parle très peu mais vous pourriez feindre de ne pas être aussi surprise non ?


Moi : Je ne sais absolument pas feindre Ty. Vous m’en voyez navrée.

Contre toute attente, il me sourit. Et oh, qu’est-ce qu’il est beau quand il sourit en me regardant de cette façon si amusée.


Ty : C’est totalement vrai. Je lis absolument tout ce qui vous passe par la tête dans vos yeux


Je baisse instinctivement le regard et je l’entends rire doucement. C’est tellement inhabituel que je ne pense même pas à m’offusquer du fait qu’il se moque de moi. Je sais au moins cette fois-ci que c’est gentil.


Moi : Si on en revenait à ce partage des charges.


Ty : Bien sûr. Je peux voir ces factures ?


Je les lui tends, me ressers du café et le regarde scruter attentivement ces petits bouts de papier. Au bout d’un moment, il me tend quelques factures et garde les autres. Je fronce les sourcils en tentant de savoir où il veut en venir.


Ty : Je paierai ces factures (en levant celles qu’il a gardées) tous les mois et vous paierez celles que je vous ai remises.


Je regarde celles qu’il m’a données et je me rends compte qu’il a gardé celles qui reviennent le plus cher.


Moi : Pourquoi est-ce que vous avez pris les plus chères ? On peut tout à fait prendre chacun la moitié des charges.


Ty : Non. Je garde les miennes, vous gardez les vôtres.


Je soupire lourdement mais je n’ai pas très envie de discuter aujourd’hui alors je me contente de lui dire Ok et de poser les factures. Il s’apprête à sortir de la cuisine quand je me rends compte qu’il n’a rien mangé.


Moi : Ty


Ty : Oui ?


Moi : Bien que je sois grosse, je n’ai pas préparé ce petit-déjeuner gargantuesque pour moi toute seule


Ty : Je n’ai jamais dit que vous étiez grosse Heartie.


Oh. C’est la deuxième fois qu’il prononce mon nom depuis qu’on se connaît. Et c’est toujours aussi bizarre que la première fois. On dirait qu’il caresse mon nom en le prononçant. C’est profondément troublant.


Ty : Je vais chercher mon téléphone, je reviens.


Je hoche la tête et il sort de la pièce pour revenir à peine une minute plus tard. Il s’assied sur le tabouret en face de moi et après quelques instants à pianoter sur son téléphone, il se sert du café et se met à manger.


Je me lève, mets ma tasse dans le lave-vaisselle, prends mes factures et vais dans ma chambre dont je referme la porte à clé derrière moi. Je plie mes habits avant de les ranger.


Puis j’enlève mon peignoir et je me glisse sous les draps. Je vais enfin pouvoir dormir.



********


Je me réveille cinq heures plus tard et il est 14h. Je me lève du lit, le fais et vais me brosser les dents. Quand je sors de ma chambre et que j’arrive dans la cuisine pour boire un verre d’eau je vois un post it bleu sur la table du comptoir. Je le prends et lis « Merci pour le petit-déjeuner ».


Je souris toute seule. Ce petit bougon serait-il finalement gentil ? Je tourne et retourne le post it entre mes doigts en analysant son écriture quand j’entends mon téléphone sonner. Je me précipite dans la chambre pour le récupérer et décrocher l’appel. C’est Dakota.


Moi : Hey baby mama


Dakota : Ma chérie, ça va ? Bien reposée ?


Moi : Oui, je viens de me réveiller et toi ?


Dakota : Je suis en pleine forme. Qu’est-ce que tu fais cet après-midi ?


Moi : Oh rien de spécial


Dakota : Bien alors je passe te chercher. Avec mes sœurs on va faire quelques courses pour le bébé et on a prévu un dîner ce soir en famille, ça te dit ?


Moi : Oui, bien sûr


Dakota : Cool. Envoie-moi ton adresse, je passe te chercher dans 45 minutes.


Moi : Okay


Elle raccroche et je lui envoie mon adresse par message. Je repars ensuite dans la chambre me laver vite fait. J’enfile une petite robe beige à fines bretelles avec de petites fleurs roses, des sandales ouvertes dorées et je prends un fourre-tout blanc. J’attache mes tresses bien haut sur ma tête, applique un RAL carmin sur mes lèvres, mets mes lunettes de soleil et je suis prête.


Je sors de la chambre, mon téléphone en main et je ferme chaque porte de l’appart. Dakota me dit qu’elle est là et je prends une pomme au réfrigérateur avant de sortir, de fermer la maison et de monter dans sa voiture. Here we go for a sunny afternoon.



******


J’ai passé un moment absolument rafraichissant avec Dakota et sa famille. Nous avons retrouvé ses sœurs dans un magasin de bébé après qu’elle soit venue me chercher. On a passé près de trois heures à farfouiller partout, à nous extasier devant les vêtements, les accessoires tous aussi mignons les uns que les autres.


Ce n’est qu’au moment de partir, quand nous nous sommes retrouvées avec une vingtaine de sac de courses que j’ai réalisé que comme presque toutes les femmes qui font du shopping, nous avions exagéré dans nos achats.


Après les affaires du bébé, nous sommes allées faire les courses pour le dîner. Puis nous avons pris la route pour chez Dakota. Là-bas j’ai revu Daniel, son mari, un brun d’environ trente-cinq ans assez charmant.


Les sœurs de Dakota et moi nous sommes mises aux fourneaux pendant qu’elle reposait son dos fatigué par notre séance shopping et que son mari lui massait les pieds. Une heure après, nous mangions tous sur la terrasse de leur maison nichée sur une colline d’où on pouvait voir les magnifiques lumières de la ville.


On a mangé, bavardé, joué, appris à se connaître et je n’ai pas cessé un instant de m’amuser et de rire. Ça m’a fait du bien.


Aux environs de 22h, j’ai appelé un taxi et je suis rentrée chez moi. Ty n’était toujours pas revenu. Je suis allée me laver et je suis revenue m’asseoir devant « Les couleurs du destin » avec un bol de popcorn. Après avoir pleuré un bon coup devant ce film, je suis allée me glisser sous mes draps aux environs d’1h du matin.



************


Je me réveille en sursaut au milieu de la nuit. Je reste perdue un instant, puis me rend compte que j’ai entendu le bruit verre qui se brise immédiatement suivi d’un bruit sourd venant du salon. Comme si on jetait quelque chose de lourd au sol. Je me lève précipitamment et je sors de ma chambre, le cœur cognant fort dans ma poitrine.


En passant par la cuisine je prends une louche -je ne sais même pas sur quoi je compte- et je marche sur la pointe des pieds en essayant de faire le moins de bruit possible.


Quand j’arrive enfin dans la pièce, malgré le fait que toutes les lumières soient éteintes, le clair de lune qui entre à flot dans l’appartement me permet de voir Ty, debout devant ma table basse et mon pot de fleurs fracassés. J’allume la veilleuse du salon et je le vois tournant en rond comme un lion en cage.


Il se retourne vers moi et quand il réalise pleinement ma présence, c’est comme s’il prenait conscience de ce qu’il avait fait. Il se retourne et regarde les restes de ce qu’il vient de briser.


Je veux dire quelque chose mais rien ne sort de ma bouche. Il passe une main sur sa tête et je me rends compte que celle-ci est ensanglantée.


Mon Dieu, Jesse qui est-ce que tu as amené chez moi ?


Le laissant là, complètement perdu et encore un peu énervé apparemment, je retourne dans ma chambre sans rien lui dire. Que puis-je dire de toutes les façons ?


La vie est… faite de rebondissements. Quand Jesse m’a dit que son ami était gentil, que c’était un mec bien et marrant, je l’ai cru. Je n’ai pas pensé me retrouver avec quelqu’un qui était rempli de colère.

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